L'artiste Valérie Bornand à la Crypte Sainte Eugènie



Alors qu’elle s’employait à ses premières exécutions avec de la terre glaise, Valérie Bornand tenait à rester dans la tradition du volume et de la statuaire ; elle faisait ses gammes et poursuivait son analyse des formes classiques, prolongeant ainsi sa formation académique de l’Ecole des Beaux-Arts de Genève. Elle s’est ainsi promenée à travers les mouvements et les talents de son siècle et l’on peut déceler dans ses œuvres l’influence dominante de son compatriote suisse Alberto Giacometti, qui a persisté dans ses études en vue d’une œuvre lointaine qui n’est jamais venue. Après avoir puisé dans la multiplication des courants, elle prend conscience que des créatures amincies surgissent d’elle, hors de l’exercice de sa volonté. « Mes mains fonctionnent sous la seule dictée de mon inconscient. » Elle décide de se démarquer des influences du passé tout en reconnaissant sa dette à l’égard de ses aînés. Pour donner une orientation originale plus personnelle et rompre provisoirement avec les formes traditionnelles de la représentation humaine, elle se passionne pour le mouvement et porte sa plénitude de l’effort sur la gestualité. D’une forme, entité visible, elle cherche à en faire une force, entité perceptible. Sculpte-t-elle ou ausculte-t-elle ? Attitude bien naturelle, elle proclame sa solidarité avec Louise Bourgeois qui entendait non pas rechercher une image, non pas une idée, mais une émotion. Valérie commence à développer son idée de volumes anthropomorphes élémentaires, à les affiner, à les ronger, à les rendre essentiels, au point d’en laisser un goût d’inachevé, de non-définitif et, me glisse-t-elle en confidence avec une expression de tendresse, « avec les manques et les vides qui mettent en valeur la présence de la matière, j’atteins enfin à ma propre sculpture ; je reconnais mieux le fonctionnement de mon univers intérieur ». La voilà émancipée, en rupture avec les constructions habituelles du corps ; Valérie s’applique alors à introduire dans sa matière inerte des sensations et des sentiments et elle s’arrête sitôt « que l’œuvre se met en marche, qu’elle fonctionne…» Elle laisse des indices dans ses personnages et le spectateur peut en reconstituer le processus. Est-ce parce que ses mains travaillent que Valérie concentre toute sa sensibilité dans le contact, dans le tactile, dans les mains ? Ses mains parlent, ses mains marchent, ses mains - séparées de la tête, des membres et du corps - pensent. Dans une discipline plutôt fermée au genre féminin, Valérie, mélange subtil de lucidité et d’ingénuité, en révolte contre le rôle conventionnel assigné à la femme, trace son chemin et paraît aussi solide que ses personnages au point de réfuter le mot travail car, pour elle, créer est une vraie détente, un authentique bonheur. Valérie vit et travaille crée au Portugal, creuset de ses découvertes, de ses espérances, et probablement de ses amours, mais elle n’a rien voulu m’en dire.

Paul AZOULAY


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